Maisons en terre: la voûte nubienne crée de l’espoir
Il existe de nombreuses technologies de construction en terre dans le monde: le pisé en France (terre damée entre du coffrage), l’adobe en Amérique latine et le banco en Afrique (briques de terre crue moulées et séchées), le torchis (mélange bois, terre et paille) ou le simple façonnage à la main comme on le fait en poterie.
Toutes ces techniques remontent au début des civilisations humaines et elles sont toujours utilisées. Elles ont toutes en commun d’utiliser une terre argileuse souvent mélangée avec du sable, un peu de ciment ou des fibres végétales. Toutes ces techniques ont été mises de côté par les sociétés modernes car elles nécessitent beaucoup de temps de main d’oeuvre.
Partout dans le monde, les techniques de construction utilisent le bois, l’acier et le béton pour leur rapidité d’exécution et leur solidité. Cependant, dans plusieurs pays le prix du bois, de l’acier et du béton est trop élevé pour la population locale. Parfois, le bois est même rare car son usage intensif pour la construction et la cuisson n’a laissé que des déserts.
Voilà pourquoi une vieille technique de construction en briques de terre crue remontant aux Égyptiens de l’antiquité refait surface en Afrique du Nord depuis une trentaine d’année: la voûte nubienne.
La technique de la voûte nubienne
Il s’agit d’une technique de construction qui est presque 100% terre crue (sans cuisson). On utilise la terre sous formes de briques de terre séchée cimentées ensemble par de la terre et recouvertes d’enduits de terre.
La technique de la voûte nubienne se distingue des autres techniques par la création de voûtes sans coffrage réalisées entièrement en briques de terre.
Il est relativement facile de construire des murs et des planchers en terre mais la construction des toits est toujours la partie la plus coûteuse d’une maison de terre. Lorsqu’une terre argileuse est disponible à proximité la voûte nubienne permet de réduire le coût des matériaux au minimum.
Les caractéristiques de la terre
La terre argileuse possède des caractéristiques intéressantes pour la construction:
– l’argile mélangée au sable est relativement imperméable, elle fait un bon enduit protecteur contre la pluie.
– l’argile séché devient très dur
– l’argile est facilement malléable. Elle peut recréer des formes issues de la culture locale.
– l’argile se mélange bien avec le sable, les fibres végétales, la poudre de ciment ou la terre organique. La présence de 20% d’argile dans un sol est suffisant pour donner à la terre les qualités requises pour la formation de briques.
– l’argile mélangée avec de la fibre végétale devient plus légère, plus isolante et moins cassante.
– l’argile mélangée avec le sable devient une masse thermique intéressante
– l’argile mélangée au sable et à une faible quantité de poudre de ciment (5% du mélange) se dégrade moins en présence d’eau. La brique est alors dite: stabilisée au ciment. – par sa masse, la terre est insonorisante.
– sa surface peut être colorée pour être plus gaie ou pour s’adapter à la culture locale.
On peut donc modifier la qualité de la terre en fonction de son état naturel et de son usage: mur, toit, plancher, isolation, masse thermique, imperméabilisation, résistance à l’usure ou au lavage, etc.
Un matériau disponible, écologique et sain
Les sols argileux sont présents dans presque toutes les régions du monde et ils sont abondants. Il s’agit d’une ressource naturelle:
– qui ne demande aucune énergie de transformation (séché au soleil)
– qui demande peu d’énergie de transport (si à proximité)
– qui se recycle à l’infini sans énergie et sans créer aucune pollution (il suffit d’ajouter de l’eau)
– qui s’entretient facilement sans pollution ni dépense énergétique
La terre est un matériau sain pour la qualité de l’air intérieur dans la mesure ou sa surface est sèche et suffisamment dure pour ne pas engendrer de moisissure ou de poussière. Sans entrer dans une démonstration systémique complexe, il est facile de démontrer qu’il s’agit d’un des matériaux les plus écologiques qui soient.
Une technique conviviale
Son utilisation selon la technique de la voûte nubienne est extrêmement conviviale. Il n’y a aucun besoin de coffrages de bois ou d’acier, d’outils spécialisés, d’électricité ou de produits importés.
La formation des maçons est relativement simple lorsqu’on reste dans des formes standardisées et répétitives. Le savoir-faire est facile à transmettre à des apprentis.
De plus, la fabrication des briques, qui représente 75% du temps de travail, peut être faite par une seule personne si elle est répartie sur une très longue période ou par une armée de jeunes gens sans expérience en fonction de l’urgence des travaux.
Une approche sociale et économique de la construction
La construction d’une maison en terre selon la technique nubienne peut bénéficier à l’ensemble d’un village par la création d’une richesse collective basée sur le troc et l’entraide.
L’ensemble de la famille peut travailler sur le chantier et participer à la construction du bien familial. Des chômeurs peuvent participer aux travaux en échange de services à remettre.
Cette activité crée du travail et de la richesse à partir d’un matériau sans valeur apparente tant pour la famille que pour l’ensemble de la société.
Les limites de cette technique
Les voûtes ont une portée limitée à 3,25 mètres. Pour obtenir des dimensions plus grandes il est nécessaire de construire des colonnes de maçonnerie résistante (stabilisée au ciment) et préférablement armées pour réduire leurs dimensions.
L’absence d’armature dans les voûtes les rendent fragiles à tout mouvement des fondations. Si les fondations bougent légèrement les voûtes se fissurent automatiquement et perdent leur force structurale.
En 1982, j’ai construit un petit demi-dôme sans armature en briques de terre compressée et stabilisée au ciment. J’ai aussi eu l’audace de le recouvrir de 30 à 60 cm de terre. Le tout s’est bien comporté mais le poids de l’immeuble l’a enfoncé dans le sol argileux provoquant une fissure inquiétante. J’ai dû mettre la masse dans l’ouvrage par sécurité.
La terre sèche est à la fois une masse thermique et un isolant mais elle est une masse thermique qui absorbe très lentement l’énergie et un mauvais isolant. Elle permet un certain confort dans les climats secs où les nuits sont fraiches et les jours chauds mais dans les climats chauds et humides où les nuits sont relativement chaudes leur impact sur le confort est beaucoup moindre.
Il s’agit aussi d’une technique limitée aux immeubles d’un seul niveau.
Cela dit, sur un bon sol stable, cette technique peut répondre admirablement aux besoins de certaines populations des pays africains du Sahel où d’ailleurs.
Yves Perrier
2015-10-14
À propos de l’auteur : Yves Perrier
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