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ToggleEVA-Lanxmeer: écoquartier de banlieue aux Pays-Bas
L’écoquartier EVA-Lanxmeer, situé dans la ville de banlieue de Culemborg aux Pays-Bas, est un projet exemplaire en matière de développement durable. Débuté en 1999, il fut planifié en 5 phases dont la dernière phase reste à terminer.
Comme tout projet expérimental, le projet a évolué durant cette période et il a rencontré quelques problèmes mais les citoyens du projet étant convaincus de la pertinence de leurs choix ont su relever brillamment les défis.
Construire sur un polder
Culemborg est une banlieue à caractère rural située à 16 kilomètres de la ville d’Utrecht, (350 000 habitants). En 1990, la ville de Culemborg modifie le statut du polder Lanxmeer, faisant 30 hectares, pour le rendre apte à la construction. Un polder est un terrain situé sous le niveau de la mer qu’on endigue pour le drainer et le remplir.
Jusqu’en 1990, ce polder servait uniquement de surface de captation des eaux de pluies alimentant un réservoir d’eau potable. La construction d’immeubles sur ces terrains mettait potentiellement en danger la qualité de l’eau.
La fondation EVA, un organisme d’éducation à la protection de l’environnement, suggéra de construire un écoquartier sur les lieux. L’organisation prône, entre autres, la mixité des fonctions (résidentielle, commerciale, institutionnelle), les processus participatifs des citoyens, la gestion locale des déchets ainsi que le traitement et la récupération des eaux usées ou de pluie.
Densifier la banlieue
Pour créer des équipements et services collectifs rentables (parc d’autos communautaires, écoles, commerces, piscine, clinique de santé, etc.), il est toujours nécessaire d’avoir une masse critique de population. Au départ, le projet prévoyait une population d’environ 600 personnes réparties dans environ 270 unités d’habitations sur 10 hectares.
Malheureusement, cette population fut trop faible pour soutenir certains commerces et après quelques années des espaces commerciaux ont dû être transformés en logements.
Pour la dernière phase du projet à venir, la Ville de Culemborg veut densifier les dernières zones constructibles pour rentabiliser les services mais pour l’instant les résidents s’y opposent afin de conserver le plus d’espaces verts possible.
Protection de l’eau potable
L’eau potable est puisée en profondeur dans la nappe phréatique, à l’abri de la contamination par les eaux de ruissellement, les eaux grises et les eaux noires. Pour économiser l’eau potable, les eaux de pluies sont accumulées dans un lac de rétention et utilisées pour activer les toilettes de l’ensemble du projet.
Les eaux usées (eaux grises) sont envoyées dans un bassin de roseaux qui filtre naturellement les eaux avant de les rejeter dans l’environnement. Il est interdit d’utiliser de l’eau de javel dans tout l’écoquartier afin de protéger l’environnement.
Les eaux des toilettes (eaux noires) sont dirigées vers une station d’épuration différente pouvant transformer les boues en biogaz et traiter les liquides par une action bactérienne et micro-organismes.
Les routes sont principalement constituées de surfaces perméables afin de limiter le ruissellement en surface et de maintenir l’humidité des sols. Les eaux de voirie sont collectées et traitées dans des bassins séparés pour éviter la pollution des autres systèmes. Compte tenu de la nature du terrain, la construction de sous-sol est interdite. L’absence de sous-sol permet d’éliminer les égouts pluviaux ainsi que les besoins en drainage des maisons.
Efficacité énergétique et énergies renouvelables
De manière générale, une maison de 100 mètres carrés consomme en moyenne 10 000 kWh/an comparativement à 17 000 kWh/an pour une maison semblable de Culemborg. Cependant, les maisons construites plus récemment sont plus performantes. Certaines ne consomment que 4 000 kWh/an pour les mêmes 100 mètres carrés.
Presque toutes les maisons sont munies de capteurs solaires thermiques et photovoltaïques. Certaines maisons produisent plus d’énergie qu’elles en consomment. Une chaufferie commune géothermique alimente tous les bâtiments et elle est secondée par une chaudière au gaz naturel pour les périodes les plus froides.
En 2006, l’exploiteur du réseau de production et de distribution a cessé ses activités. Des résidents ont reprit l’exploitation en offrant aux utilisateurs de devenir actionnaires de l’entreprise.
Matériaux de construction
Les matériaux de construction préconisés sont ceux ayant une faible énergie grise (énergie nécessaire à l’extraction des ressources, à la fabrication, au transport et à son recyclage en fonction de la durée présumée du produit) ainsi que les produits sans dégagement de COV.
Cependant, plusieurs citoyens remettent en question les produits naturels nécessitant de l’entretien comparativement aux produits durables à faible entretien. D’un point de vue pratique et économique, des résidents préfèrent une peinture durable un peu plus polluante qu’une peinture plus naturelle nécessitant une application tous les ans.
Transports en commun et individuels
Il y a une gare de train avec un grand stationnement à vélo à proximité du projet donnant accès au centre d’Utrecht et à Hertogenbosch (150 000 hab). Des pistes cyclables communiquent aussi avec les réseaux cyclables externes au projet. De plus, des résidents du quartier ont mis en place un système de voitures partagées.
Ceci a permis de réduire le nombre de places de stationnement à une place par habitation et celles-ci sont situées en périphérie du quartier. Pour accommoder les livraisons et les déménagements, des bornes amovibles sont temporairement enlevées pour laisser passer les véhicules jusqu’aux résidences.
Cependant, plusieurs citoyens, surtout les nouveaux arrivants, remettent en question cette limitation à l’accès automobile pour des raisons pratiques diverses. En effet, si on limite fortement la vitesse en se rapprochant des habitations il n’y a aucune raison écologique ou de sécurité qui le justifie. Il s’agit davantage d’un choix idéologique.
De plus, l’automobile à proximité des habitations crée une plus grande accessibilité aux personnes à motricité réduite donc une meilleure mixité sociale.
Aménagement et occupation du territoire
Une ferme biologique avec verger produit des fruits et légumes destinés aux résidents. Cette approche d’agriculture urbaine crée des espaces verts productifs.
Des zones humides ont été préservées et les espaces verts du site sont interconnectés afin de favoriser la biodiversité du site. Les plantations sont constituées uniquement d’essences locales. Avec la ferme, les espaces verts représentent 14,4 hectares sur les 30 hectares du projet.
La gestion des espaces verts fut confiée à une association de citoyens du quartier. De manière générale, la vitalité des écoquartiers est assurée par l’implication de ses citoyens. En ce sens, il faut encourager les événements rassembleurs qui leur permettent de se connaître et de travailler ensemble.
Architecture et habitations
En plus des toitures végétalisées et des capteurs solaires sur les toits, l’architecture la plus distinctive de ce projet est certainement celle de ses maisons-serres.
Deux modèles d’habitations en rangée sont construits en intégrant un vaste espace vitré non chauffé servant d’espace tampon entre la maison et l’extérieur.
Les 2/3 des unités d’habitation sont constituées de maisons unifamiliales et l’autre tiers d’appartements. Pour créer une certaine diversité sociale, 40% des unités d’habitation sont des logements sociaux ou subventionnés.
Le prix à payer
Le prix au mètre carré des habitations dans l’écoquartier EVA-Lanxmeer est de 15 à 75% plus élevé que le prix moyen au mètre carré des habitations de Culemborg .
Il est difficile d’évaluer la rentabilité économique d’un tel concept. Il y a les économies individuelles directes à court terme et à long terme mais aussi les économies sociales à long terme qui impacteront indirectement sur les économies individuelles.
Yves Perrier
2015/09/30