Autoconstruction ou autogestion ?
Au Québec, le problème principal de l’autoconstructeur et de l’autogestionnaire est leur rapport avec les sous-traitants. Souvent les sous-traitants ne sont pas intéressés à travailler pour un propriétaire et n’acceptent leur offre que pour boucher des trous dans leur horaire. Signer un contrat avec un propriétaire les rend non disponibles pour cette période et peut leur faire perdre un gros contrat avec un promoteur immobilier. De toute façon, même après avoir signé un contrat avec un propriétaire, le sous-traitant continue de privilégier ses clients réguliers et peut ne pas se présenter sur le chantier à la date prévue s’il a une meilleure offre ailleurs. Il se défilera en prétextant des problèmes de température, de santé, de perte d’employés, etc.
Comme la construction est une chaîne de production, ceci peut mettre l’autoconstructeur ou l’autogestionnaire dans l’obligation d’annuler d’autres sous-traitants et de payer des dédommagements importants pour perte de revenus à ces entreprises.
Les particularités de l’autoconstruction
Le véritable autoconstructeur est celui qui exécute lui-même une bonne partie des travaux de construction de sa maison. Au Québec, le propriétaire peut légalement réaliser lui-même presque tous les travaux de sa maison sauf l’électricité. Cependant, pour des raisons multiples, l’autoconstructeur fait très souvent réaliser 50% de ses travaux par des spécialistes. Ceci est courant pour la pose des fermes de toits, les systèmes de chauffage et de ventilation mécanique, l’excavation, le gros oeuvre de la plomberie, le coffrage et la mise en place du béton, les escaliers, la maçonnerie, l’isolation à l’uréthane, le creusage du puits et du système d’épuration et bon nombres de travaux qui requièrent de bonnes connaissances, des équipements spécialisés, une grande force physique ou du savoir faire.
Plusieurs autoconstructeurs achètent aussi un « KIT » préfabriqué ou pré-usiné pour faire réaliser la coquille extérieure de la maison (fondations, murs, toiture) par une entreprise. Cette solution leur permet de se mettre à l’abri des intempéries pour terminer eux-mêmes les travaux à leur rythme. Pour cela, l’autoconstructeur doit s’attendre à investir beaucoup de temps s’il ne veut pas faire des erreurs coûteuses.
Autoconstructeurs: avoir les aptitudes nécessaires.
La réalisation des travaux de construction et de finition demandent des aptitudes et des habiletés. Il faut de la patience et de la minutie, il faut être bien outilé et savoir comment utiliser ses outils et équipements. On ne devient pas autoconstructeur en construisant, on fait de l’autoconstruction parce qu’on aime les travaux manuels. Certains individus ne sont tout simplement pas faits pour l’autoconstruction.
Les économies. Beaucoup d’autoconstructeurs se lancent dans cette aventure pour économiser de l’argent sur la main-d’oeuvre. Très peu d’entre eux y arrivent. Plusieurs facteurs réduisent les économies à zéro:
1- Le tant qu’à y être. D’abord le sentiment qu’on va économiser et que, tant qu’à y être, on peut mettre plus d’argent dans la qualité ou le luxe.
2- Le temps c’est aussi de l’argent. Lorsqu’un chantier dure 24 mois et qu’on s’y rend trois fois par semaine il faut ajouter des frais de transport, des repas, des outils, de l’entretien, etc…
3- Le prix des erreurs et des accidents. Par inexpérience, l’autoconstructeur fait presque toujours quelques erreurs coûteuses durant les travaux. Des travaux doivent souvent être repris, des matériaux mal entreposés sont endommagés ou volés, une fenêtre échappée est brisée, etc.
L’autoconstruction: dur sur le couple.
Selon mes propres statistiques, 50% des couples qui débutent un projet d’autoconstruction se séparent avant la fin des travaux ou trouvent l’expérience excessivement éprouvante pour leur vie de couple. Les raisons sont multiples: une mauvaise évaluation budgétaire, une mauvaise évaluation du temps requis, le travail ensemble, la fatigue cumulée à l’effort, les erreurs dues au manque d’expérience d’un des partenaires, les différences de perception, etc… Certains couples ne sont pas faits pour ça.
Les particularités de l’autogestion
La gestion du temps. L’autoconstructeur se donne généralement beaucoup plus de temps que l’autogestionnaire pour la réalisation de ses travaux. Ceci lui permet de réduire le nombre de décisions rapides à prendre. Il peut aussi attendre un peu plus dans l’évolution du chantier avant de donner des contrats aux entrepreneurs spécialisés.
Au contraire, l’autogestionnaire doit signer l’ensemble de ses contrats et organiser l’ensemble de son échéancier avant la première pelleté de terre afin de s’assurer que la réalisation tournera rondement. Comme il est presque certain que des sous-traitants lui causeront des problèmes, il doit se donner des temps morts entre les sous-traitants qui deviennent des espaces tampons en cas de problèmes. Un entrepreneur général travaillant avec des équipes fiables peut réaliser une maison en 3 à 4 mois mais pour l’autogestionnaire il est préférable de prévoir de 6 à 8 mois.
La gestion de la qualité. Le propriétaire autogestionnaire doit bien connaître le marché de la construction, les garanties, les contrats, les paiements et doit être capable de bien identifier la qualité des travaux exécutés et leur conformité aux normes et aux règles de l’art.
Durant tout le processus d’exécution des travaux il devra accepter au fur et à mesure la qualité des travaux exécutés. Et dans ce domaine, le fait de voir les travaux et de ne rien dire constitue souvent une acceptation implicite de la qualité de la réalisation. Après l’acceptation des travaux, il ne pourra plus revenir sur leur qualité d’exécution sauf en déboursant pour les correctifs. Comme exemple, l’utilisation de bardeaux d’asphalte durant 50 ans plutôt que 25 ans réduirait de moitié les déchets bitumineux dans les centres d’enfouissement.
Cependant, l’idéal demeure d’utiliser des matériaux durables et recyclables tels que l’aluminium qu’on peut refondre ou le béton qu’on peut concasser pour l’utiliser comme gravier. Tout produit naturel renouvelable et compostable entre aussi dans cette catégorie. Par exemple, acheter du bois provenant de forêts certifiées FSC, où la quantité de bois prélevée est égale à celle qui repousse. Assurant ainsi la pérennité des forêts et des écosystèmes.
Profiter de l’aide professionnelle
L’autoconstructeur et l’autogestionnaire ont besoin d’avoir sous la main un professionnel de la gestion de projet indépendant qui peut répondre à leurs questions tout au long du processus de planification, de réalisation et de suivi post-construction.
Trop de propriétaires attendent d’être mal pris dans un problème de chantier coûteux avant de consulter ces professionnels alors que leur rôle est essentiellement préventif.
La prévention des problèmes dans la phase de planification résout en effet 90% des problèmes de chantier. Ne vous en privez pas.
Yves Perrier
2015/11/13
À propos de l’auteur : Yves Perrier
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