Premier Forum sur les Unités d’Habitation Accessoires (UHA) au Québec
Le 8 février 2018, j’assistais au premier forum sur les UHA à Montréal, organisé par l’ARPENT, un OBNL voué à la «densification douce» des villes, des banlieues et des villages.
Cette nouvelle approche de développement durable vise à augmenter le nombre de logements abordables dans les quartiers de faible densité pour rentabiliser les services communautaires et favoriser les commerces de proximité tout en offrant de petits logements économiques, mais de qualité comparable aux habitations courantes.
Souvent, l’unité d’habitation accessoire s’insert dans une habitation multigénérations et supporte le maintien à domicile des parents âgés.
Définition des UHA
La nomenclature définissant les UHA est actuellement un véritable fouillis à travers le Canada et le Québec. Les règlements municipaux les appellent: logements secondaires, logements annexes, logements supplémentaires, logements accessoires, maisons de jardins, maisons de fond de cour, etc.
L’ARPENT propose à juste titre de n’utiliser qu’un seul terme soit «Unité d’habitation accessoire» que ce soit pour les logements secondaires créés dans des maisons unifamiliales pour en faire des maisons multigénérations, pour un petit logement autonome qui n’est pas pour un membre de la famille, avec ou sans agrandissement, ainsi que pour les minimaisons de fond de cour pour des parents ou pour location.
La densification douce
La densification «douce» vise à augmenter le nombre de personnes dans les quartiers de faible densité sans créer de désordre ou de perturbation au niveau architectural et social.
La densification est souvent perçue comme un envahissement de l’espace privé dans les banlieues et les villages où les propriétaires considèrent parfois le trottoir et la moitié de la rue devant leur propriété comme «leur» trottoir et «leur» rue.
De même, toute construction à «proximité» de leur terrain est vu comme une invasion visuelle de leur terrain.
D’un point de vue architectural, les municipalités cherchent donc à limiter l’impact visuel des UHA.
Le constat prônant les UHA au Québec
• Plus de 50% des Québécois vivent dans des zones de faible densité
• Le logement coûte de plus en plus cher et les UHA peuvent permettre de réduire le coût du logement par le partage de lieux.
• La faible densité oblige l’utilisation de l’automobile. Pour une unité d’habitation en milieu de faible densité, le transport représente la première source de production de gaz à effet de serre. Cette production est trois fois moindre dans les zones de forte densité ayant accès à du transport en commun et des commerces de proximité.
• Les jeunes couples ne disposent pas d’assez d’argent ni de garantie d’emploi leur permettant de s’acheter une maison conventionnelle.
• Les UHA existent déjà, mais souvent de manière illégale et peu sécuritaire
• Dans un contexte multigénérationnel, il s’agit d’une aide importante au maintien à domicile et il s’agit d’un enjeu majeur pour notre société actuelle et future
• Il s’agit d’une forme d’habitation évolutive donc plus durable
Les obstacles à l’implantation des UHA au Québec :
• La réglementation municipale interdit leur usage ou permet l’usage de manière restrictive qui décourage les propriétaires d’investir dans ces travaux ( pour les parents seulement, pour une période limitée de 6 mois, demande un changement de zonage long et coûteux jusqu’à 18 000$;
• Parfois, les règlements municipaux limitent la superficie d’implantation d’immeuble sur le terrain pour des raisons de verdissement ou interdisent des modifications pour des raisons patrimoniales;
• L’acceptabilité sociale par les voisins est difficile, particulièrement en banlieue, où les propriétaires recherchent le calme et la nature. Ils voient la densification comme un danger pour leur quiétude;
• L’ajout d’un logement peut nécessiter l’ajout d’un stationnement ce qui est parfois complexe sur le terrain ou très réglementé dans sa forme;
• Pour des raisons de sécurité incendie, les camions de pompier doivent avoir accès aux maisons en fond de cour;
• Il est difficile de relier les maisons de fond de cour aux services d’égouts et aqueduc qui sont généralement dans la rue, à l’opposé de leur situation physique;
• On croit que les petites maisons sont de moindre qualité et moins confortables, donc, elles sont moins attrayantes pour les utilisateurs et les voisins croient qu’elles vont dévaluer la valeur de leur propriété donc ils s’opposent à leur implantation;
• Il y a peu d’études sur les UHA actuelles car elles sont souvent clandestines;
• Les constructeurs de multiplex font pression sur les villes de banlieues pour ne pas permettre ces logements. Les gros constructeurs d’habitation sont politiquement très puissants dans les banlieues. Voilà pourquoi il faut un règlement provincial à ce sujet, comme en Ontario, pour permettre leur implantation.
• La gestion du cas par cas est lourde pour une petite administration municipale, d’où l’intérêt d’un règlement provincial facilitant leur implantation.
• Les logements en demi-sous-sols sont vus comme potentiellement insalubres par les municipalités alors elles sont réticentes à les promouvoir.
Les approches favorisant les UHA :
• Certaines villes permettent à des constructeurs de réduire le nombre de stationnement par unité en donnant 5 000$ à la ville pour la création de stationnements municipaux et le développement du transport en commun. J’ajouterais de l’autopartage pour réduire le nombre de cases de stationnement;
• Plusieurs villes permettent aussi des bureaux à domicile allant jusqu’à 2 employés, favorisant le travail à domicile et réduisant les déplacements en automobile;
• Pour créer du logement supplémentaire, l’Ontario a adopté en 1994 le Residents’ Rights Act, qui autorise la création d’un nouveau logement dans toutes les maisons individuelles (détachées, semi-détachées et depuis 2014 en rangée), pourvu que les normes en matière d’hygiène et de sécurité soient respectées, et ce, quelle que soit la politique mise en place par la municipalité. Cette reconnaissance a «permis» aux municipalités d’accepter des «maisons de jardins» sans contrevenir à des règlements provinciaux. Ces maisons sont souvent implantées sur des coins arrières avec des murs aveugles vers les voisins (comme de nombreux garages) créant souvent plus d’intimité avec les voisins qu’une simple clôture. La ville d’Ottawa a un nouveau règlement à ce sujet depuis 2016;
• À Ottawa, les appartements en sous-sol sont autorisés;
• Les UHA doivent être obligatoirement louées. Il n’y a pas de partage de propriété.
• En Ontario, trois compagnies fabriquent actuellement des minimaisons de fond de cour et en vivent.
UHA et mouvement des minimaisons
Le mouvement pour les UHA et le mouvement des minimaisons ont des liens communs car ils se battent pour l’assouplissement des règlements d’urbanisme ou de construction, municipaux et provinciaux, qui limitent leur développement.
Les liens sont limités, mais ils sont naturels. Ils partagent les mêmes valeurs humanistes, économiques, collectives et environnementales. La densification douce est le mot-clé.
Durant le Forum sur les UHA, M. Emmanuel Cosgrove, directeur général de Écohabitation, a fait rire l’assemblée en se dissociant des «Cowboys végétariens» qui veulent s’implanter seuls à la campagne en croyant devenir autonomes avec un petit jardin et trois capteurs solaires. C’est en effet le contraire de la densification recherchée par les UHA.
Au Québec, une législation bien conçue permettrait de mieux connaître et de mieux encadrer la présence des UHA.
Yves Perrier
2018/02/10
À propos de l’auteur : Yves Perrier
Articles connexes
Votre nom (obligatoire)
Votre adresse courriel (obligatoire)
Votre message