Agriculture urbaine au Québec: culture intérieure à haute densité
Le Québec est décidément à l’avant-garde mondiale en ce qui concerne l’agriculture urbaine. Après les toits-jardins Biotop et les serres sur les toits des Fermes LUFA, l’entreprise canadienne Les Aliments Urban Barns a choisi Mirabel pour l’implantation de son système de culture à très haute densité « sous grange », qu’elle appelle culture cubique et qui fut élaboré à Montréal en collaboration avec de nombreux chercheurs de l’Université McGill.
Il s’agit d’une nouvelle approche de culture verticale hydroponique où les plants prolifèrent très rapidement sous un intense éclairage LED, douze mois par année dans un environnement contrôlé, sans lumière naturelle.
Après avoir conquis les grands restaurants de Montréal par leur fraicheur, six marchands IGA du Québec s’approvisionnent déjà avec les laitues Urban Barns.
Un système universel
Urban Barns produit des fines herbes et des micropousses mais elle cultive surtout de la laitue. La production se fait à Mirabel à l’instar des grands producteurs de laitues hydroponiques du Québec.
Cependant, les laitues croissent dans un immeuble sans vitrage sous de puissantes lumières LED.
Cette approche a l’avantage de créer un environnement où la chaleur et la lumière sont parfaitement contrôlées. Sous une serre, la chaleur varie énormément en fonction de la présence du soleil. Ces variations importantes créent un stress sur les plantes qui ralenti leur croissance. On cultivant dans un immeuble isolé, les coûts de chauffage sont réduits en hiver et on protège les plants d’un soleil trop intense en été.
L’environnement contrôlé permet de produire de la laitue en moins de quatre semaines quelque soit le mois de l’année, le pays et le climat.
Optimiser la production
Après l’ensemencement dans des plateaux de germination, les plants sont transplantés dans des rails de nutrition qui circulent sous les puissantes lumières LED à intervalles réguliers. Les lumières LED peuvent produire différentes longueurs d’ondes en fonction de l’évolution des plantes afin d’optimiser leur croissance. Les lumières LED ont aussi l’avantage de ne pas créer de chaleur. Ainsi les plants ne sont pas stressés ni brûlés malgré l’intensité lumineuse. Pour bien croitre, les plants n’ont pas besoin d’un éclairage constant 18 heures par jour. La technologie de Urban Barns permet d’alterner l’éclairage d’un plant à l’autre en faisant circuler les plants dans un système cubique à haute densité. L’agriculture extérieure permet de produire annuellement deux laitues par pied carré de terrain au Québec. Une serre traditionnelle permet d’en produire 20. Selon l’entreprise, la culture cubique de Urban Barns pourrait produire annuellement de 300 à 500 laitues par pied carré de plancher.
Produire sainement et localement
Aux États-Unis, les productions hydroponiques peuvent être certifiées biologiques mais pas au Canada. Il est certain que la culture biologique en pleine terre, par des agriculteurs, dans chaque village du Québec, est une pratique beaucoup plus saine pour l’environnement et l’économie locale. Personnellement, je préfère varier mon alimentation en fonction des saisons. Mais tant que les consommateurs québécois demanderont de manger de la laitue fraiche, propre et à bas prix à Noël, la production hydroponique permettra de réduire les méfaits reliés à l’importation.
La science a prouvé que les légumes hydroponiques ont la même qualité nutritive que les légumes biologiques. En produisant des légumes en hiver au Québec cette technologie permet de réduire la pollution associée à son transport en provenance d’autres pays. En réduisant le temps de transport on obtient aussi des produits plus frais et de meilleure qualité.
On sait aussi que la production sous abri réduit d’environ 90% les besoins en eau et élimine les fuites d’engrais vers les cours d’eau lors des pluies. De même, elle réduit fortement l’utilisation de pesticides. En ce sens, il s’agit réellement d’une production plus saine pour l’environnement et pour les consommateurs. Le défi d’Urban Barns est de concurrencer le prix des aliments importés.
Autre approche à haute densité: la culture verticale sous serre
L’entreprise montréalaise Affinor, spécialisée dans la culture de marijuana médicinale, vient de reprendre le projet de ferme verticale Alterrus à Vancouver.
Alterrus, aussi connu sous le nom de Local Garden, était un projet d’agriculture urbaine verticale sous serre situé sur le toit d’un stationnement intérieur du centre-ville de Vancouver. L’entreprise a fait faillite en janvier 2014.
Affinor a racheté les équipements d’Alterrus et a renouvelé le bail de location du toit avec la Ville de Vancouver. Le but d’Affinor n’est pas de produire de la marijuana mais plutôt des légumes feuillus et des fraises. Comme le climat de Vancouver est moins froid en hiver et moins chaud en été, la culture verticale sous serre pourrait s’avérer une bonne idée.
La culture cubique: pour la sécurité alimentaire sous tous climats
Grâce à l’éclairage LED, la culture sous grange à haute densité représente une avenue très prometteuse partout dans le monde. Dans une phase ultérieure, la compagnie espère produire des petits fruits tels que les fraises, framboises, bleuets et mûres.
Pour l’instant, Urban Barns veut centraliser son expansion à Mirabel. Son système cubique est modulaire et l’entreprise peut grandir graduellement.
Je vois des applications formidables pour ce système dans toutes les régions nordiques du Canada où la luminosité insuffisante et le froid intense rendent la culture sous serre très coûteuse. La technologie cubique répond aussi aux besoins des régions arides ou impropres à l’agriculture. On sait que les brusques perturbations du climat auront probablement un impact négatif sur les productions agricoles non protégées: gels, grands vents, insectes, inondations, sécheresses, etc .
En ce sens, les granges « urbaines » pourraient un jour assurer la sécurité alimentaire bien au-delà des villes.
Et même si le choix de Mirabel n’a rien d’urbain, l’esprit de cette culture modulaire à haute densité pouvant se faire dans un sous-sol ou sur un toit est foncièrement urbain et visionnaire.
Yves Perrier
2014-10-07
À propos de l’auteur : Yves Perrier
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